Kenya: la police ratisse une décharge après la découverte de corps mutilés

Une foule amassée sur les lieux de la découverte des corps mutilés de six femmes, dans une décharge de Nairobi le 12 juillet 2024

By Tanya WILLMER

Nairobi (AFP) - La police kényane ratisse samedi une décharge d'un bidonville du sud de Nairobi, sous les yeux d'une foule en colère, après la découverte la veille de plusieurs corps mutilés dans des sacs en plastique.

L'organisme de surveillance de la police kényane a annoncé une enquête sur l'implication potentielle de forces de police.

L'Autorité indépendante de contrôle de la police (IPOA) cherche également à faire la lumière sur des allégations d'enlèvements et d'arrestations illégales de manifestants, portés disparus après les récentes manifestations antigouvernementales contre des hausses d'impôts.

Les médias kényans ont rapporté samedi que d'autres sacs contenant des restes humains avaient été retrouvés dans les eaux jonchées d'ordures de cette décharge située dans une carrière abandonnée à Mukuru, mais il n'y a pas eu de confirmation officielle.

La police de Nairobi avait fait état vendredi de la découverte de "six corps gravement mutilés, tous de femmes, dans des états variés de décomposition".

De son côté l'IPOA a indiqué que les restes d'au moins neuf personnes, sept femmes et deux hommes, ont été retrouvés.

"Les corps, enveloppés dans des sacs et attachés par des cordes en nylon, portaient des marques visibles de torture et de mutilation", a précisé la même source, soulignant que la décharge est située à moins de 100 mètres d'un commissariat de police.

"Alors que les enquêtes policières sont en cours, l'IPOA mène des enquêtes préliminaires en toute indépendance pour déterminer si la police est impliquée dans ces décès, ou si elle n'a pas agi pour les empêcher", a indiqué l'agence.

"Cette découverte intervient dans le cadre d'une inquiétante recrudescence de cas de disparitions et d'enlèvements mystérieux, en particulier après les récentes manifestations contre le projet de loi de finances", a réagi une coalition de la société civile et de groupes de défense des droits humains dans un communiqué.

"Cet horrible incident entraîne de nombreuses victimes, il représente une grave violation des droits de l'homme et soulève de sérieuses inquiétudes quant à l'état de droit et à la sécurité dans notre pays".

Les forces de sécurité kényanes sont sous surveillance après la mort de dizaines de personnes lors des manifestations du mois dernier.

Le chef de la police nationale, Japhet Koome, qui a cristallisé la colère de l'opinion, a démissionné après moins de deux ans à son poste, a annoncé vendredi la présidence kényane.

\- "Ruto doit partir" -

Des foules rassemblées vendredi sur le site de la décharge scandaient "Ruto doit partir", le slogan entonné pendant la vague de protestation menée par les jeunes Kényans de la génération Z (nés après 1997).

La chaîne Citizen TV a rapporté samedi que la police avait tiré en l'air alors que la tension montait, mais cela n'a pas pu être immédiatement vérifié.

La Direction des enquêtes criminelles a indiqué que des enquêtes préliminaires laissaient penser que toutes les victimes avaient été tuées de la même manière, sans donner davantage de précisions.

Le bureau du procureur général a également pointé la localisation des corps à proximité d'un commissariat, se déclarant "profondément préoccupé" par cette découverte "qui témoigne d'une grave violation des droits de l'homme".

Il a ordonné à la police de remettre les résultats de son enquête dans un délai de 21 jours et a exhorté les agences d'Etat, notamment l'IPOA, à accélérer leurs enquêtes sur des informations faisant état de disparitions forcées et de décès qui auraient été causés par la police.

La Commission kényane des droits de l'homme réclame elle une "enquête approfondie" pour déterminer la cause du décès des personnes retrouvées dans la décharge.

"Les auteurs doivent être tenus pour responsables", a-t-elle déclaré vendredi sur X. "Le régime kenyan de Kwanza, dirigé par William Ruto, doit assumer ses responsabilités pour ce crime odieux."

Au Kenya, la police est redoutée, régulièrement accusée de meurtres et d'exécutions extrajudiciaires, notamment dans les quartiers pauvres, mais elle est rarement condamnée.

Des policiers auraient dirigé des escadrons ciblant notamment des militants des droits de l'homme et des avocats enquêtant sur des allégations d'abus commis par la police.

Le Parlement kényan a créé l'IPOA en 2011 pour assurer un contrôle civil sur une institution puissante, encore réputée être l'une des plus corrompues du pays.

© Agence France-Presse